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Notes


Textes et musiques...

Deux façons de raconter la même histoire.
 

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21 octobre 2011 5 21 /10 /octobre /2011 09:07

Il y a ces nuits où je divague.

 Nul ne me voit, nul n’y songe, et en vérité, nul ne me connaît. Pas même, surtout pas, celle qui dort innocemment, qui n’est alors pour moi qu’une bosse sous l’édredon.

 

L'édredon

 

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6 janvier 2011 4 06 /01 /janvier /2011 16:06

Malgré le froid vif et cuisant, je me promène le cœur léger dans les allées du parc enneigé. Je rêvasse.


Il se trouve qu’à un moment, un gars se trouve sous mon nez. Il m’agrippe le col.


« Tadlatu, tadlatu. »


Je ne comprends pas bien ce qu’il dit. Un étranger ?


- Bonjour, que je lui dis aimablement, je peux vous aider ?

- Tadlatu, tadlatu ! qu’il répond.


Il a l’air assez énervé, pas très poli en tout cas. En fait, je me rends compte qu’il me tient, et qu’il ne me lâche pas. Ses gros yeux roulent bizarrement de singulières spirales dans leurs orbites sombres et creusées. Une petite rafale de vent rabat la neige du peuplier voisin sur nos têtes, en fines particules vaporeuses et glacées.


- Do you speak English, que je lui demande ?


C’est un peu idiot d’ailleurs, car y speak moi-même très mal l’English, mais sait-on jamais, ça peut faire progresser les choses. En attendant, il est toujours suspendu à ma gorge. Sa main se lève, puis se ferme comme s’il voulait attraper un flocon. Son poing s’abat violemment sur ma joue. Je recule sous je choc, titube un peu.


Il m’a frappé ! Je suis très étonné. Quelle drôle d’idée ! Un instant je me demande s’il na pas glissé. Mais non. Il n’a pas l’air de regretter son geste. Pas d’excuses, en tout cas, il continue à grommeler « tadlatu tadlatu ». Puis il sort quelque chose de sa poche : c’est un cutter. Il en fait glisser la lame sur toute sa longueur. Il est fou, que je me dis. C’est SUPER DANGEREUX de manier un cutter comme ça ! Il s’avance de nouveau vers moi : « tadlatu tadlatu !». A mieux l’écouter, on dirait plutôt « tadlatune »... C’est un mot étrange, peut être à cause du manteau neigeux, cela me fait penser à « au clair de la lune ». Au clair de la lune-tadlatune. En attendant, mes lunettes sont de guingois. Je les prends, et les mets vivement dans ma poche.


C’est à ce moment que j’éprouve une curieuse sensation. Un certain malaise, comme dirait marc Ducret. J’ai l’impression que quelqu’un m’appelle dans le lointain, comme si l’on tentait de me réveiller. Je regarde mon interlocuteur avec un œil nouveau, et enfin mon cerveau détecte et interprète correctement les signaux aveuglants émanant de la bête prête à bondir.


« T’as de la thune ? » Tout est clair d’un seul coup. Il s’élance mais cette fois, je pare le coup. Le cutter tombe dans la neige.


Je tourne le dos, et je cours, je cours… à toutes jambes je m’enfuis.

 

Agression

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4 décembre 2010 6 04 /12 /décembre /2010 23:09

« Un souvenir, un chouette souvenir », qu’il m’a demandé...

 

J’ai fermé les yeux, histoire d’oublier un instant les tuyaux et les machines. Les souvenirs affluaient… un véritable troupeau de bisons, galopant, grondant, soulevant poussières et cailloux…

 

- Alors, je me souviens… Quand tu avais plongé, du haut de cette cascade… Et que je n’avais pas osé te suivre…

- Ah, mon vieux, ça ne date pas d’hier !

- Tu te rappelles, ce que tu m’avais crié, d’en bas ?

- Non, quoi ?

- « Elle est bonne ! »… Après un plongeon de dix mètres, et alors que je te croyais noyé !

- Ah, ben mon vieux !!

 

Un silence. Et nous étions repartis tous deux, des années en arrière, dans les forêts du Goias. Ici, les machines ronronnaient comme des fauves tranquilles et dangereux.

 

- Tu sais ce que j’aurais voulu, vraiment voulu, avant de… de crever ?

 

Je n’ai pas relevé. J’ai juste dit :

 

- Non, quoi ?

- J’aurais aimé revoir la mer…

 

Revoir la mer

 

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17 mars 2010 3 17 /03 /mars /2010 00:10

- (...) En fait, c'est pour illustrer un truc très irlandais, tu vois... Du genre vachement cornemuse, très Saint-Patrick, tu vois... Un truc, genre marche irlandaise... tu pourrais pas nous faire ça vite fait ?
- Euh...
- Tu peux y aller franco, hein... je veux dire, il faut un truc qui le fasse vraiment, enfin... je veux dire haut en couleur, tu vois ?
- Euh, j'essaie de voir, oui...
- Tu sais, dans le genre, là, le mec qui joue de la cornemuse, tu vois pas qui ?
- Euh, non... qui ça ?
- Ah, attends... comme ça, là, un machin comme ça (tentative de sifflotement), tu vois pas ?
- Euh, non, désolé...
- Bon pas grave... écoute, fais nous un truc genre marche irlandaise, très solennel, carrément kitsch, qui en jette à fond, mais trad quand même, voilà pour résumer... 
- Kitsch ?
- Oui, kitsch, enfin... ouais, pas trop mais un peu quand même, avec une fin qui en jette un max, tu vois... Tu peux nous faire ça en vitesse ?
- Je vais essayer.(...)


- Allô, Giusepe ?
- Oui ?
- C'est moi... Ecoute, on a écouté ton truc, c'est super super sympa, hein, mais bon, ça n'ira pas...
- Ah ?
- Oui, c'est pas assez... enfin... on voulait un truc qui en jette vraiment, tu vois...
- Euh... je ne sais pas... ça "en jette pas" assez ?
- Si si ! enfin, bon, c'est pas que ça en jette pas, c'est pas ça, mais bon... c'est pas assez... euh... pas assez kitsch, tu vois ?

Pas assez kitsch


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25 février 2010 4 25 /02 /février /2010 22:53
J'avisai Permeke assis seul à sa table, dans l'angle de la pièce, un peu à l'écart.
Il examinait d'un oeil ombrageux trois grands verres de bière disposés devant lui.

- Salut, mon vieux !

Permeke ne me répondit pas, mais posa un doigt sur le verre situé à sa gauche.

- Westvleteren. Trappiste. Légère. Rare. Blonde, grommela-t-il.

Je m'assis en face de lui. Il prit le verre et en but une gorgée, sa barbe resta légèrement colorée d'écume blanche qu'il chassa d'un revers de main. Permeke ferma les yeux un instant, puis saisit le verre du milieu.

- Queue de charrue. Aigre-douce. Brune.

Et il s'en rinça une lampée. J'eus l'impression de le voir léviter quinze secondes. Il redescendit pour prendre le troisième verre.

- Sainte Colombe. Bretonne. Forte. Rousse. 

Celle-là, il la huma avant de se la descendre, ce qu'il fit avec l'ombre d'un sourire, vite ravalé. Il me fixa alors avec une insistance sévère. C'était à mon tour de parler. Je me mit à chantonner : 

- "Une petite brune, une jolie blonde..."
- Fais pas ton malin !

Je m'arrêtai net.

- Bon, Permeke, d'accord. Alors, pourquoi trois ?

J'avais comme le sentiment qu'il ne m'aurait pas pardonné de ne pas lui avoir posé la question. Bien évidemment, il ne se pressa pas pour répondre. A son tour, il se mit à chantonner :

- "La blonde, la brune ou la rousse, toutes me plaisent à leur tour..."
- Oui ?
- 1728, John Gay. Il n'y a pas que toi qui saches faire des citations, ducon !
 
J'adorais son côté Capitaine Haddock, mais je pris néanmoins une gorgée de Westvleteren pour faire passer. Un délice.

- Tu vois, me dit-il soudainement radouci, avec les femmes, c'est quand même plus compliqué, tu ne crois pas ?
- Si, mon vieux, certainement.

Il regarda à nouveaux dans le vague avant d'ajouter :

- La bière, c'est plus simple. Ya pas à choisir. Je peux me les taper à trois en même temps si ça me chante. 

Je sursautai, car ce n'était pas son style.

- Laisse tomber, reprit-il, laisse tomber, c'est rien... c'est l'amertume...

Je connaissais sa solitude... aussi allais-je me faire compatissant, mais il coupa court : 

- L'amertume de la bière, bien sûr.


La blonde, la brune ou la rousse

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16 décembre 2009 3 16 /12 /décembre /2009 00:10

- C'est quoi, ce truc ?
- Un instrument de musique.
- Non ? Tu fais de la musique avec ça ? 
- Ben...
- Ah, ben c'est marrant, tiens ! De la musique avec ce bidule... Et comment ça se joue ? Tu fais voir un coup ? 

(Démonstration)

- Ah, ouais, ouais...
- Tu n'aimes pas ?
- Si, si... ah tiens, c'est marrant, enfin c'est sympa, je veux dire, mais bon, tu ne peux pas vraiment faire des notes...
- Comment ça, je ne peux pas faire des notes ?
- Enfin, je veux dire, pas des vraies notes.
- Comment ça ?
- Des notes de musique, hein, je veux dire... Tu peux pas vraiment en jouer.
- Ben si, je peux... tiens, ce sont des notes :

(Nouvelle démonstration)
 
- Ouais, ouais, c'est bien ce que je dis, c'est pas vraiment des notes... Remarque, c'est sympa, hein, je critique pas... Mais bon...
- Quoi ?
- Ben, je veux dire, ça fait un genre de son, bon d'accord, c'est un son, mais c'est pas des vraies notes, c'est juste... des bruits bizarres, pas des notes. 
- ...


Des bruits bizarres


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6 décembre 2009 7 06 /12 /décembre /2009 22:58

Il n'y avait plus grand monde dans la salle, vu l'heure. Je tardais à me décider. Mon dernier verre était encore à demi plein, mes yeux piquaient. 
J'ai croisé son regard alors qu'elle filait vers la sortie, sac en bandoulière. Je l'ai reconnue, elle faisait partie de la troupe, bonne actrice, espiègle et malicieuse. Elle a bifurqué vers moi. J'ai cru qu'elle me confondait avec quelqu'un.

- Je peux ? 

J'ai fait un vague geste, hésitant, flou et évasif, cela ne l'a pas empêchée de s'asseoir en face de moi.

- Le spectacle vous a plu ?

Le spectacle ne m'avait pas particulièrement plu. Mais comme je n'aime ni mentir, ni blesser inutilement, je me suis contenté d'un nouveau geste vague, hésitant, flou et évasif.

- Ne baratinez pas, hein !
- Non, non.

Je n'ai rien dit d'autre, il faut croire que je n'avais pas grand-chose à dire. Elle n'a pas eu l'air de remarquer mon silence.

- Donnez-moi votre main, je vais vous lire l'avenir.

Cela peut paraître surprenant, comme requête, et ça l'était. Mais il faut ajouter - je ne sais pas si cela rend sa démarche plus ou moins surprenante - que c'était une phrase qu'elle prononçait dans le spectacle, dans des circonstance analogues : en abordant un inconnu.

- Hum, ne rejouons pas la pièce, ai-je dit.

D'autant plus que dans la pièce, elle prédisait à l'inconnu un bonheur imminent, et que celui-ci se faisait flinguer quelques minutes plus tard.

- C'est une mise en abîme en temps réel, ça vous ne vous arrivera pas souvent. Alors ?

J'ai tendu ma main, en trouvant le jeu rigolo, et plutôt satisfait de la tournure imprévue que prenait ma soirée. 

- Vous avez une main...  une belle main.

Bon, un compliment, pourquoi pas, voilà qui m'autorisera à lui en faire en retour, me dis-je. Mais elle ajouta :

- Une main soignée, mais un peu rustre quand même. Enfin... burinée. Vous êtes un manuel ?
- Tout dépend de ce que vous entendez par manuel, répondis-je un peu refroidi. Mais cela ne m'apprend pas grand chose sur mon avenir.
- Tututut, pour voir l'avenir, il me faut comprendre le présent.

Elle continuait à examiner ma main, son index effleurait ma paume et traçait des lignes invisibles ; cela me chatouillait un peu.

- Pas d'alliance ?
- Je vous ai donné ma main droite.
- Mais j'ai aussi regardé votre main gauche.

Elle est fine, pensais-je.

- Pas d'alliance... comme vous. 

Elle sourit en levant son doigt, comme pour me réprimander, puis reprit son examen. 

- Oui, vous êtes un manuel... Votre main est assez épaisse et très musclée... mais vous en prenez soin... pourtant vous n'êtes pas coquet : vos ongles sont courts, mais pas très biens coupés... Votre peau est assez lisse... derrière cette rusticité, il y a de la délicatesse. vous jouez d'un instrument de musique ?

Devant cette avalanche de propos contradictoires,  j'étais à la fois épaté et dubitatif.

- Un instrument de musique ? 
- Oh, ne dites rien si vous ne voulez pas ! Bon, j'y vois plus clair, passons à l'avenir... Je vois... voyons... une continuité... pas d'obstacle... un horizon dégagé... Oh, qu'est-ce cela ?

Elle approcha son nez comme si elle avait vu un petit bouton suspect.

- On dirait... Je vois... Je vois... Une femme.
- Une seule ?
- Oh, ça je n'en sais rien, mais en tout cas j'en vois une qui se détache, qui débarque, comme ça, d'un seul coup d'un seul, et qui met une sacré pagaille.
- Ah.
- Oui.

Elle me souriait gentiment, et repliait mes doigts dans ma paume, comme pour me dire que la consultation était terminée.

- Et, que voyez-vous d'autre... en ce qui concerne cette femme ?
- Hum, c'est flou. Vous savez, dès lors que l'on voit une femme dans la main d'un homme, l'avenir devient tout de suite très flou.
- Vous aviez dit voir une continuité,  un horizon dégagé...
- Oui, avant. Mais je n'avais pas vu cette femme. Une femme, cela change tout, c'est comme ça, on n'y peut rien.
- Bon, bon... mais avez-vous un conseil à me donner ?
- Un conseil ?
- Oui, une recommandation, quelque chose... 

Elle regarda de nouveau ma main.

- Je vous conseille... d'être audacieux. 

Pendant un moment, je restais immobile, laissant ma main inerte dans la sienne. Puis progressivement,  ma main burinée et délicate, tout à la fois - fallait-il le croire ! -, ma main s'anima, et prit la sienne.

- Votre main est douce, dis-je. Elle sent bon, dis-je encore en la portant à mes lèvres. Votre visage est tendre, très expressif, pétillant de santé, dis-je en avançant ma main vers ses joues. Vos cheveux sont en parfaite harmonie avec votre visage, ils tombent dans votre cou avec une grâce désinvolte. Vos seins sont... tellement féminins et prometteurs...

Et bien sûr, ma main suivait le parcours. 

- Je vous ai conseillé d'être audacieux, pas d'être téméraire !

Mais elle souriait encore. Elle prit de nouveau ma main dans la sienne, et entrelaça nos doigts.

Une femme dans ma main

 


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23 novembre 2009 1 23 /11 /novembre /2009 23:35

Je compose le numéro. Je suis assis confortablement dans un fauteuil profond.
"Nous allons donner suite à votre appel", et hop, un peu de Vivaldi.
Normal. Tout va bien. D'ailleurs, j'ai une tisane encore trop chaude à portée de main. J'ai tout mon temps.

- Allô ?

Je suis presque pris au dépourvu, mais je me rattrape.

- Oui, bonjour Madame. Voilà, je vous appelle au sujet d'une erreur. Ma cotisation est basée sur mon salaire, or je crois que celui-ci a été surévalué.
- sur le quoi ?
- Euh, surévalué.
- Sur le... comment ?

Pause. Je tente de m'accrocher au réel. Tout va bien, je me dis, il faut juste essayer un autre mot.
 
- Je veux dire qu'il y a une erreur. Sur mon avis de cotisation, - que j'ai reçu, n'est-ce pas, ce matin - il est écrit que je gagne ("somme astronomique") euros.  Or, je ne gagne que ("somme beaucoup plus modeste") euros. Et que donc, ma cotisation est - en conséquence - euh... (pas surévaluée, surtout !) trop importante, voilà.
- Vous avez un numéro de mandataire ?

Ah ! Un grand bond en avant vient d'être fait ! Mandataire, c'est bizarre, que je me dis, mais  allons-y : 

- Oui, c'est le ("long numéro avec des lettres aussi dedans")
- Un instant.

Pas de problème, ma tisane est encore chaude, enfin, juste bien. J'en bois une gorgée. Tiens, revoilà Vivaldi. C'est vraiment affreux. Pauvre Vivaldi. Pauvre Rutebeuf. (je m'égare).

- Allô ?

La revoilà !

- Oui, je vous écoute.
- Vous avez un numéro de mandataire ?

Ouhlà, l'affaire se corse, que je me dis. J'hésite, puis redonne avec anxiété le même numéro.

- Euh, le ("long numéro avec des lettres aussi dedans") ???
- Un instant.

J'ai peut-être fait un saut temporel dans l'hyperespace sans m'en apercevoir, ou quelque chose comme ça... sauf qu' on ne me repasse pas Vivaldi, ce qui est plutôt bon signe, objectivement. J'entends des bruits confus. 

- Allô ?

La revoilà ! C'est comme une vieille connaissance, maintenant. Je suis presque joyeux : 

- Oui, je suis là.
- Vous êtes bien Giusepe ?
- Oui, c'est moi (incroyable !).
- Vous habitez bien à ("mon adresse") ?
- Oui, tout a fait (merveilleux !!!).

Je suis aux anges, sur un nuage !

- J'ai votre dossier sous les yeux.
- Vous devez donc avoir les photocopies de mes fiches de paye ?
- Fiches de paye, fiches de paye, fiches de paye... 

Bruits confus. Suspens.

- Voilà. Fiche de paye.

J'exulte. Je m'octroie une gorgée de tisane. 

- Eh bien, si vous regardez bien, vous verrez que je ne gagne pas ("somme astronomique") euros, comme il est indiqué sur mon... euh, avis de cotisation, mais seulement ("somme beaucoup plus modeste") euros.
- Ah mais pas du tout.
- Comment ?
- Giusepe... hmm...Ursaff...hmm

Je pose ma tasse.

- ...hmm... retr.nc... hmm... cong.pay... hmm... sec.soc... hmm...

Je tente d'endiguer ces murmures inquiétants.

- Allô ?
- hmm... F.N.A.L. RG... hmm... (et ça continue)... reduc.charges.pat... hmm, non, non, c'est bien ça, il n'y a pas d'erreur.
- Mais madame, ou voyez-vous donc...

Suis-je en train de paniquer ? Je tente de reprendre le contrôle des opérations : 

- Voyons, il est bien écrit quelque part sur ma fiche de paye "salaire brut", et...
- Comment ?
- Mon salaire brut, il y a une case en bas : salaire brut. Vous vous basez bien sur le salaire brut ?
- Hein ? Ah non.
- Non ?

Je réalise que je ne suis plus assis dans le fauteuil, mais que je suis debout à l'autre bout de la pièce.

- Ah non, nous c'est pas ça. Nous on regarde la case, là. En haut à gauche. Là, voilà.
- Quelle case ? C'est pas le salaire brut ? quelle case ?
- La case, là, celle-là. C'est le... brut de brut.
- Le... brut de brut ?
- Ah oui, c'est comme ça, nous c'est pas le brut. La case en haut à gauche, c'est brut de brut.

Je me sens soudain un peu inutile. Il faut reconnaître une chose : je ne sais pas quoi répondre. Alors, en désespoir de cause, j'articule : 

- Vous pourriez me repasser Vivaldi, s'il vous plaît ?

Brut de brut


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9 octobre 2009 5 09 /10 /octobre /2009 08:52

- Je me demande...
- Quoi ? 

Je m'immobilise, je suspends mon geste. Un temps.

- Non, rien.

Mon cerveau ferme une porte, en quelque sorte, et retourne là ou il était.  Mon poignet impulse un mouvement sec, et rien qu'au bruit, je sais que c'est gagné : une lézarde se mord la queue sur la circonférence, l'oeuf est fendu en deux, sans le moindre éclat. Mes bras décrivent une parabole, alors que j'en écarte les deux parties. Le contenu - jaune, blanc - tombe nonchalamment dans le bol, ondule vaguement et se stabilise. Magnifique. Je prends un autre oeuf.

- Tout de même, je me demande...
- Oui ?

Je regarde l'oeuf, je le questionne du regard.

- Non, rien.

Paf. Ou plutôt, pif. Sploutch.
Il y a un éclat de coquille dans le bol. Je le pince entre mes doigts, il se dérobe. Je le dédaigne.
Le temps s'assombrit, et je prends un autre oeuf. Il me paraît plus petit que les autres.

- Quand même, quand même, je me demande...
- ... ?

Une mouche bruyante tournoie stupidement contre la vitre. Je dégaine, et je la coupe en deux, comme Lucky-Luke, mais juste en rêve. 

- Non, rien.

J'arme mon poignet, mais l'oeuf m'échappe des doigts. Je pense : sors ton parachute ! Mais c'est un peu idiot, vu qu'il n'en a pas.

L'oeuf tombe, s'écrase sur le carrelage, et le silence revient.


L'oeuf 

 

 

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10 septembre 2009 4 10 /09 /septembre /2009 09:21

Je suis seul sur un chemin de campagne bordé de saules têtards. Le vent souffle, j'ai froid. Des corbeaux tournent autour de moi, menaçants. Ils parlent une langue que je ne comprends pas. Mon portable sonne, je réponds, on me dit que je suis en retard.
"C'est impossible." Je suis formel, je ne suis pas en retard ! D'ailleurs, personne ne m'a invité. Et en plus, je n'ai jamais eu de portable de cet aspect. On dirait une raquette de ping-pong. C'est ridicule. Les corbeaux me répètent que je suis en retard. "En retard pour aller où ?"

Les corbeaux sont de plus en plus agressifs. Ils se transforment en vampires. Comment se défendre contre une horde de vampires avec une banale raquette de tennis en graphite ? Je tente un service très lifté, mais l'arbitre m'interpelle, m'ordonne de ne plus bouger. Il commence à se déhancher vulgairement en psalmodiant du grec ancien. "Deviens ce que tu es, Deviens ce que tu es..."
Encore un qui veut se faire remarquer en clamant partout qu'il a lu Pindare, alors qu'il n'en connaît que quelques clichés !  Les arbitres ne sont plus ce qu'ils étaient, tous ces problèmes d'arbitrages sont vraiment préoccupants, me dis-je. Les vampires sont déchaînés ; ils applaudissent avec une gouaille vulgaire. Tous dopés, que je me dis. Ils ne font plus attention à moi. J'en profite pour tenter de nouveau un service très lifté, mais je constate que ma raquette a disparu. A la place, je tiens un long saucisson sec. Démuni, je vois que les vampires, tous armés de longues raquettes de tennis, se mettent à me bombarder. L'arbitre les encourage. Il est maintenant juché au sommet d'un crucifix, et il danse, nu dans une ambiance techno. Son pénis ressemble à un long saucisson sec. Dégoûté, je me hâte de jeter mon saucisson par la fenêtre.

Que va-t-on penser de moi ? Il y a maintenant plein de gens attablés un peu partout. Cette musique est insupportable. C'est un mariage. La mariée monte sur la table : Elle hurle :

"Giusepe, t'as fumé la moquette ? T'as fumé la moquette ?"

Les gens rigolent en me regardant, ils se poussent du coude et me montrent du doigt. J'essaie de rester digne. Une petite fille, en demoiselle d'honneur,  s'approche de moi et me tend un bol de soupe fumante. Je lui demande en souriant "qu'est ce que c'est ?", elle me répond sèchement : "rutabaga !". Je prends le bol qui me brûle les doigts, et hume le breuvage avec suspicion. De petites bulles roses explosent à la surface en produisant des notes de glockenspiel. La petite fille insiste : "il faut boire !". Je trouve qu'elle a de grandes oreilles. D'ailleurs, à mieux y regarder, ce n'est pas vraiment une petite fille, mais plutôt un lapin de garenne. Je suis vraiment distrait ces jours-ci, il faut que je me reprenne en main, me dis-je.

Je ferme les yeux, et j'entreprends d'avaler gentiment mon bol de soupe. Curieusement, le breuvage est glacial. Le goût m'indispose, et je ressens le besoin de m'allonger. Je flotte dans un nuage vaporeux au parfum de verveine.

Une main douce me caresse le front et murmure mon prénom à mon oreille.

Menace

 

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