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Textes et musiques...

Deux façons de raconter la même histoire.
 

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23 janvier 2009 5 23 /01 /janvier /2009 19:08

Ligne droite. Difficile de la louper ; de très loin déjà je la voyais comme émerger du bitume, des vapeurs de chaleur. Petite tache de couleur empiétant sur la chaussée, puis de plus en plus précise : une fille. Je ne roule pas vite, je m'approche, elle ne modifie pas sa pose, n'agite pas son pouce. Ok, je la prends. Je m'arrête.  En douceur, à dix mètres. Elle s'avance sans se presser.

- Villeneuve ?

Signe de tête.

- Montez.

D'un moulinet de l'épaule, elle envoie valdinguer son gros sac au pied du siège avant, puis se faufile dans ma voiture. Souple et brusque à la fois. Je démarre, en douceur. Elle met sa ceinture, se cale, fait tomber ses sandales, installe ses pieds en hauteur, près du pare brise. Elle ne dit rien, et moi non plus. Je roule.

A la dérobée, je l'observe. Jeune. Mignonne, boudeuse. Sûre d'elle. Mini jupe très courte, un brin provocatrice avec ses guiboles en l'air. Vulgaire ? Allez, je décide que non.

Au bout d'un temps, elle soupire, se tortille, extirpe un paquet de lucky strike. Briquet, s'en allume une sans m'en proposer.

- C'est une voiture non fumeur, que je dis impulsivement. ça m'a pris comme ça.

Elle me regarde, pour la première fois me semble-t-il.

- T'aurais pu dire ça avant que je l'allume. Presque en rigolant, qu'elle me répond. Pas troublée en tout cas.

Son doigt appuie sur la commande électrique de la vitre, qui s'abaisse, bzz. Elle laisse pendre son poignet à l'extérieur. Rapide, précise. Au bout de ses doigts, la cigarette tressaute mais ne s'envole pas.

Au bout d'un temps, elle soupire à nouveau, s'empare des quelques CD qui traînent dans la boîte à gants.

- T'ain, c'est ringard ta musique !

Mes disques lui font faire la grimace. Elle les remet dédaigneusement dans la boîte à gants.

- Mettez la radio, si vous voulez.
- Nan, ça ira.

Elle ne dit plus rien, et moi non plus.

Au bout d'un temps, toujours le même, j'ai comme l'impression qu'elle sourit. Pour elle-même. Elle doit penser à un truc marrant, que je me dis. Sa jupe descend le long de ses jambes toujours haut perchées. C'est exprès, que je me dis. Mais je n'en suis pas sûr.

Au bout d'un temps, un peu plus long, le panneau Villeneuve.

- Pousse encore un peu jusque l'église. 
 
Bon, je pousse encore un peu jusque l'église, alors, et puis je freine, et puis je m'arrête. En douceur.

- Voilà.
- Merci.

Ah, quand même ? Elle remet ses sandales, ouvre la porte, mais ne sort pas. Sa jupe est toujours très relevée, on ne saurait davantage. Je ne regarde ni de son côté, ni en face de moi, mais vers une sorte de diagonale ambiguë.

- Je ne te plais pas ?

Ah zut, je ne m'y attendais pas, à celle là. Mais avant même que je n'aie décidé si j'allais répondre ou pas, la voilà qui saute au dehors.

- Allez, sois pas triste, de toute façon, t'avais aucune chance, j'aime pas les mecs.

Vlan, la porte, d'un mouvement ample du bras. Elle me sourit, un vrai sourire, puis tourne le dos et se met à marcher d'un pas rapide. 
 
Je démarre. En douceur. 


L'auto-stoppeuse

 

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commentaires

L
La garce.
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G
<br /> Une fumiste immature... Une vraie !<br /> <br /> <br />
P
Sympa ce texte :)
Répondre
G
<br /> Merci.<br /> <br /> <br />