- C'est quoi le blues, pour toi ? me demanda Permeke.
Venant de Permeke, qui venait juste de lâcher son Selmer mark VI pour venir boire une Leffe, la question était musicale, bien entendu ; ce qui la rendait d'autant plus inquiétante. Car qui connaît mieux le blues que Permeke, je me le demande. Hors de question de lui fourguer quelques généralités, sa question était d'ordre métaphysique.
- Ecoute, moi je n'en sais rien, mais je peux te dire ce qu'en disait vieux guitariste de Greenwood, chanteur de blues.
- Ouais ? Qui ça ?
- J'ai oublié son nom.
- Putain d'enfoiré, ça vaut bien la peine de savoir lire !
Glissons, glissons, je connais mon zèbre. (Et n'allez surtout pas déduire que Permeke ne sait pas lire.)
- Bon, en gros, ça donnait ça :
«
Le blues, c'est comme quand ta femme te quitte pour un autre. Tu te sens mal, alors tu picoles. Et puis un jour, ta femme revient. Sur le coup tu es plutôt content, et puis en même temps, tu ne sais pas trop. Tu éprouves un drôle de sentiment.
Et bien ce sentiment, c'est ça. Quand ta femme s'en va, quand elle revient, c'est le même sentiment : c'est le Blues.
»
Permeke me regarda un moment. Puis il se leva, et reprit son saxophone pour aller jouer.
Sans rien dire.
Sans terminer sa bière.
Un certain sentiment