Malgré le froid vif et cuisant, je me promène le cœur léger dans les allées du parc enneigé. Je rêvasse.
Il se trouve qu’à un moment, un gars se trouve sous mon nez. Il m’agrippe le col.
« Tadlatu, tadlatu. »
Je ne comprends pas bien ce qu’il dit. Un étranger ?
- Bonjour, que je lui dis aimablement, je peux vous aider ?
- Tadlatu, tadlatu ! qu’il répond.
Il a l’air assez énervé, pas très poli en tout cas. En fait, je me rends compte qu’il me tient, et qu’il ne me lâche pas. Ses gros yeux roulent bizarrement de singulières spirales dans leurs orbites sombres et creusées. Une petite rafale de vent rabat la neige du peuplier voisin sur nos têtes, en fines particules vaporeuses et glacées.
- Do you speak English, que je lui demande ?
C’est un peu idiot d’ailleurs, car y speak moi-même très mal l’English, mais sait-on jamais, ça peut faire progresser les choses. En attendant, il est toujours suspendu à ma gorge. Sa main se lève, puis se ferme comme s’il voulait attraper un flocon. Son poing s’abat violemment sur ma joue. Je recule sous je choc, titube un peu.
Il m’a frappé ! Je suis très étonné. Quelle drôle d’idée ! Un instant je me demande s’il na pas glissé. Mais non. Il n’a pas l’air de regretter son geste. Pas d’excuses, en tout cas, il continue à grommeler « tadlatu tadlatu ». Puis il sort quelque chose de sa poche : c’est un cutter. Il en fait glisser la lame sur toute sa longueur. Il est fou, que je me dis. C’est SUPER DANGEREUX de manier un cutter comme ça ! Il s’avance de nouveau vers moi : « tadlatu tadlatu !». A mieux l’écouter, on dirait plutôt « tadlatune »... C’est un mot étrange, peut être à cause du manteau neigeux, cela me fait penser à « au clair de la lune ». Au clair de la lune-tadlatune. En attendant, mes lunettes sont de guingois. Je les prends, et les mets vivement dans ma poche.
C’est à ce moment que j’éprouve une curieuse sensation. Un certain malaise, comme dirait marc Ducret. J’ai l’impression que quelqu’un m’appelle dans le lointain, comme si l’on tentait de me réveiller. Je regarde mon interlocuteur avec un œil nouveau, et enfin mon cerveau détecte et interprète correctement les signaux aveuglants émanant de la bête prête à bondir.
« T’as de la thune ? » Tout est clair d’un seul coup. Il s’élance mais cette fois, je pare le coup. Le cutter tombe dans la neige.
Je tourne le dos, et je cours, je cours… à toutes jambes je m’enfuis.
Agression